Aujourd’hui la pensée design est sur toutes les lèvres, dans tous les nouveaux modèles d’affaire, des plus grandes entreprises aux plus petites startups.
Mais qui est-elle vraiment, cette pensée magique ? Pourquoi un tel engouement ? D’où vient-elle ?
Et surtout : qu’avons-nous à apprendre d’elle, nous les pédagogues, formateurs, et praticiens de la formation ?
En démarrant ce blog, en lieu et place de mon portfolio vieillissant, ce sont ces questions que j’ai en tête. Après 20 années passées à faire de la formation à distance, de la foàd, de l’auto-formation, du e-learning au format Flash, du e-learning au format HTML5, de la ludification de parcours, des tutoriels vidéo, de la répétition espacée avec des cartes flash, du quiz-learning, de la formation sur téléphone mobile, de l’administration de LMS, LCMS, du déboggage de SCORM, et j’en passe, je constate que les technos passent et reste la formation.
Cet article est le premier d’une série de billets sur les rapports entre « Formation » et « Design Thinking », avec comme fil rouge cette lancinante question : à quoi ressemble la formation lorsqu’elle est vraiment centrée sur l’apprenant ?
Replacer l’humain au centre
En octobre 1995 je décrochais mon diplôme de Créateur Industriel. J’étais officiellement un designer, et même si, finalement, je me suis tourné vers la transmission plutôt que la création, j’ai toujours conservé une âme de designer.
En 1995, peu de monde connaissait la signification de cet anglicisme. Nous, élèves designers, sur les bancs de cette grande école pas comme les autres qu’est l’ENSCI (École Nationale Supérieure de Création Industrielle) nous prenions conscience que notre démarche dessinait les contours d’une nouvelle approche de la conception industrielle et de l’innovation. Dans les pas du Corbusier, de Charlotte Perriand et de Jean Prouvé, de Roger Tallon, de Philippe Starck, déjà, nous questionnions les rapports entre formes et fonction, forme et matière. Mais nous savions aussi, grâce au Club de Rome, à Joël de Rosnay, que notre monde était systémique, et que notre croissance avait des limites.
Holistique, systémique, empathique, audacieuse, globale et locale en même temps, la pensée design émergeait de la complexité. Utopique, elle mettait résolument l’humain au centre de sa réflexion, et promettait de l’émotion autant que de l’innovation au menu de toutes ses créations.
La pensée design renouvelait les pratiques de conception industrielle de l’époque, pétries d’analyse fonctionnelle, et peu aptes à accompagner l’évolution des usages.
Extrait de l’article : « The Origins Of Design Thinking » – Avril 2014, Wired.
La pensée design est créée parce que les grandes entreprises n’ont pas la capacité d’être créatives et, dans les cas extrêmes, ne sont pas en mesure de créer de nouveaux produits et services qui répondent aux besoins non satisfaits de leurs clients. En raison du système éducatif du XXe siècle qui a favorisé la logique dominante et le mépris de la créativité, les gens ont grandi avec un état d’esprit et des compétences surpuissants en matière de gestion de la valeur. Par conséquent, définit les sociétés d’aujourd’hui qui sont dirigées par les baby-boomers et la génération X.
En raison de la façon dont elles sont élevées, la majorité des entreprises fonctionnent avec une pensée analytique où elles sont constamment perturbées par l’évolution des tendances et des valeurs des consommateurs, ce qui rend leur entreprise obsolète.
(Traduit avec l’excellent www.DeepL.com – belle alternative à Google Translate, issue du site Linguee, et qui fait un travail remarquable, sans doute le meilleur traducteur gratuit actuel)
En 1988, en Californie, Don Norman, avec son livre-manifeste The Psychology of Everyday Things, dénonce une course aux fonctionnalités, qui aboutit à un non sens, puisque les utilisateurs n’en connaissent ni utilisent qu’une infime portion. Don Norman défend un design lisible, intuitif, adapté à l’utilisateur. Dans ce livre, Don Norman adapte le concept d’affordance, du psychologue James J. Gibson, au champ des interactions homme-machine.
Ce faisant, il fait basculer l’objet du design, de la recherche autour du couple forme/fonction vers la prise en compte de l’utilisateur final, et introduit l’idée révolutionnaire d’une conception centrée sur l’humain.
L’idée est simple : un objet, ou plus généralement un artefact, doit être immédiatement actionnable par son utilisateur, de par son ergonomie, sa forme, ses couleurs. Don Norman a par exemple beaucoup commenté la poignée de porte. Comment une poignée de porte peut-elle suggérer d’elle-même le sens de l’utilisation. Il en déduit que si la porte se pousse, il suffit de placer une plaque, sans poignée. Si la porte se tire, la présence de la poignée devient une incitation à tirer. Illustration ci-dessous.
Le tort ne revient pas à celui qui utilise mal l’artefact, mais à celui qui le conçoit mal.
La valeur d’un produit ou d’un service, affirment les designers-mutins, ne se réduit pas à la somme de ses fonctionnalités, ni à ses pures performances. Parce qu’en fin de compte, l’utilisateur valorise autre chose : il valorise l’expérience, il valorise l’émotion.
On voit fleurir aujourd’hui l’expression « Designer d’Expérience Utilisateur » (UX designer). Un vrai designer s’intéresse depuis toujours à l’expérience utilisateur. C’est dans son ADN.
À présent que l’on sait ce que l’on cherche – un design pensé pour les humains – il nous reste à comprendre comment on obtient un tel résultat. C’est la deuxième phase de développement de la pensée design, qui cherche désormais à se rassurer et à rassurer les gestionnaires. L’imaginaire, la créativité, l’empathie, sont des valeurs louables, mais sont-elles fiables ?
Dans le prochain article, j’aborderai l’évolution du design thinking jusqu’à nos jours, et comment, dans un soucis d’industrialisation et de réplicabilité, la pensée design originale s’est muée en une véritable boîte à outil à tout faire.
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